HISTOIRE DE LA MUSIQUE HIPPIE DANS L'OUTAOUAIS
Découvrez l'histoire fascinante du rôle de la musique dans la formation du caractère unique de la région. La Maison Fairbairn a dirigé un projet de recherche ethnographique et d'engagement communautaire pour étudier l'impact de la sous-culture musicale des années 60 et 70 dans l'Outaouais.
L'exposition explore 4 grands thèmes, accompagnés d'une vidéo ; Qu'est-ce que la culture hippie ? le mouvement « Back to the Land », le rôle de la musique et enfin, Wakefield, un village groovy ?

Qu’est-ce que la culture hippie?
Décennie tumultueuse, les années 1960 ont vu la guerre du Vietnam, l’arrivée de la pilule anticonceptionnelle, des assassinats politiques, la défense des droits civiques, la Révolution tranquille, des manifestations antiguerre, des grèves d’occupation, le LSD et la naissance du mouvement hippie. Le mot « hippie » existait déjà, mais des journalistes de San Francisco l’ont repris pour décrire un groupe de personnes libres d’esprit et antisystème, plus généralement des adolescents blancs de la classe moyenne en quête de liberté d’expression et de spiritualité. Parfois appelés « chevelus » ou « enfants fleurs », les hippies rompent avec le mode de vie ordonné de leurs parents : ils rejettent le capitalisme, adoptent leur propre façon de s’exprimer et de nouvelles mœurs sexuelles, explorent les drogues psychédéliques et écoutent différents styles de musique. Des milliers de jeunes parcourent la route des hippies (hippie trail) en Asie, où les drogues abondent et sont légales. Ils cherchent à atteindre un état d’élévation par les drogues ou bien la spiritualité de l’Orient.
Si la scène hippie la plus illustre se trouve dans le quartier de Haight-Ashbury, à San Francisco, le mouvement, qui atteint son point culminant à l’été 1967,« l’été de l’amour », est aussi fertile sur les campus des collèges partout aux États-Unis; il s’étend même éventuellement jusqu’au Canada. Des conscrits réfractaires et des insoumis, dont bon nombre embrassent les valeurs du retour à la terre, se retrouvent au Canada, plus précisément dans l’Outaouais, où ils importent aussi la culture hippie.
À l’apogée du mouvement, les adhérents cherchent des façons d’interagir entre eux et avec la nature. L’époque met à l’honneur pantalons à pattes d’éléphant, consciences éveillées, paix et amour (le peace and love).
« Le mouvement tendait vers l’avènement d’un monde meilleur, sans guerre, sans racisme, sans argent. » –Mike Chartier
Le retour à la terre
Même si certains d’entre ceux et celles qui s’installent dans l’Outaouais à l’apogée des années hippies préconisent davantage un retour à la terre, bon nombre d’arrivants partagent le même désir : vivre une vie plus simple en produisant des aliments biologiques, en atteignant l’autonomie et en construisant des habitations originales.
Une partie de cet idéal se réalise par le travail collectif et est souvent célébrée par des repas en commun, des jam-sessions et la consommation de drogues. On trouve des communautés hippies et de « néoagriculteurs » à Lac-des-Loups, à Val-des-Monts, au lac Meech, dans le Pontiac et dans bien d’autres zones rurales de l’Outaouais.
Ces nouveaux campagnards ne sont pas forcément préparés à la vie rurale. Souvent, ils dépendent de leurs voisins ou de publications pour faire leur apprentissage. Certains retournent au village ou en ville pour subvenir à leurs besoins une partie de l’année tandis que d’autres explorent leur talent artistique.
En 1970, Mark Frutkin achète une propriété au Lac-des-Loups; elle sera surnommée « la Ferme ». Au fil des ans, elle connaît un va-et-vient important. Des structures éclectiques y seront aussi érigées ici et là. La vie à la Ferme consiste entre autres à prendre soin des potagers et du bétail, à couper du bois, à profiter du sauna et à se baigner nu.
D’innombrables rassemblements et concerts de musique improvisée s’y tiennent. La rencontre de musiciens des collines de Gatineau et de la ville favorise la confluence des styles musicaux.
« À la Ferme, la musique était liée à notre mode de vie. La musique, la nourriture et les jardins nous rapprochaient… » – Mark Frutkin
« L’esprit du mouvement du retour à la terre… on voulait être au diapason avec le monde naturel. » – Thoma Ewen
Le rôle de la musique
La musique a été indispensable à l’essor de la culture hippie, depuis les grands festivals comme celui de Woodstock jusqu’aux improvisations autour du feu de camp. Parmi les influences musicales de l’époque dans le monde, on comptait celles de Jefferson Airplane, de Janis Joplin et de Grateful Dead. Plus près de chez nous, Bruce Cockburn, Joni Mitchell et Buffy St. Marie fréquentaient le café Le Hibou à Ottawa. Les vagues de cette musique ont traversé la rivière jusqu’au Québec.
Dans ces années, la popularité des auteurs-compositeurs-interprètes atteint son paroxysme, tout comme celle des jam-sessions, lesquelles accueillaient débutants et musiciens chevronnés.
« La musique était le rythme de notre génération; elle nous influençait beaucoup. » – Paul Hayes
Le style dominant à Wakefield dans les années 1970 est la musique country jouée au Château Pearson (auparavant le Château Diotte, actuellement l’Auberge du Mouton Noir), lieu de rencontre populaire des hippies et des locaux. Wayne Rostad y jouait régulièrement. L’arrivée d’étrangers transforme la scène musicale de Wakefield, entre autres avec l’émergence d’établissements hors du commun comme le café Le Chantier. Les danses organisées dans les chalets de ski font aussi partie du portrait, et des groupes populaires s’y produisent, comme Eugene Smith and the Warm-Up Band.
D’autres concerts ont lieu à l’hôtel Wakefield Inn, au café Chez Nous et au piano-bar situé à l’étage de la maison Earle. Le cannabis et le haschich sont omniprésents dans la plupart de ces endroits. Charlie Major, Golden Earring et Heaven’s Radio ne sont que quelques-uns des groupes que le village accueille.
De plus, des concerts extérieurs se tiennent à Camp Fortune et contribuent à l’ambiance. Ils attirent notamment Gordon Lightfoot, The Band, Peter Tosh et bien d’autres dans la région.
Wakefield, en vogue?
« Les hippies n’ont pas eu d’influence sur Wakefield, c’est Wakefield qui a influencé les hippies. » – Mike Chartier
Hippies et adeptes du retour à la terre sont attirés par l’Outaouais pour de multiples raisons : les terres bon marché, le peu de présence policière, l’âge légal pour consommer de l’alcool et la facilité d’accès au cannabis. Le mot se passe jusqu’à Ottawa et plus loin encore.
« L’ouverture d’esprit qui régnait au Québec à l’époque convenait à l’idéologie des hippies qui venaient s’installer en campagne et participer au mouvement du retour à la terre. » – Mark Frutkin
Wakefield a toujours attiré une diversité de gens excentriques, créatifs et passionnés. Artistes, musiciens, agriculteurs et militants engagés forment une communauté épanouie qui fait naître des festivals et des événements originaux. Aujourd’hui, dans cette région axée sur la communauté, le climat d’acceptabilité perdure.
« L’esprit progressiste et l’ouverture ont toujours été là. » –John Pagani
La musique continue d’être très présente dans le village. D’ailleurs, feu Louis Rompré est à l’origine du « Rompré Stomp », une fête de musique et d’improvisation musicale qui s’étendait parfois dans tout le village. Il lança aussi la soirée Micro ouvert au Kaffé 1870, laquelle existe d’ailleurs toujours. L’auberge du Mouton Noir est devenue une sorte d’institution; des artistes de partout rêvent d’y jouer.
« Quand Paul Symes a ouvert le Mouton Noir, il a mis la scène musicale sur la carte. » – Paul Séguin.
La tradition des concerts extérieurs se poursuit aussi au Marché agricole de Wakefield et lors des Lundis musicaux à la Maison Fairbairn, alors que l’esprit des improvisations musicales se fait entendre aux soirées à micro ouvert et lors de rassemblements communautaires. Wakefield est à voir et à vivre!



